Postulat n° 51 - Demande d'étudier l'élaboration d'une politique efficace de lutte contre le gaspillage alimentaire en ville de Fribourg

S. Murith (PDC/PVL), V. Abate (Verts), M. Parpan (CG-PCS), M.-G. Morel-Neuhaus (PLR)

Développement du postulat

Le gaspillage alimentaire est une réalité regrettable. En Suisse, environ un tiers des aliments produits ou importés, soit 2.3 millions de tonnes, finit à la poubelle, parfois sans même avoir été déballé; plus de la moitié des légumes et du pain ne sont jamais consommés. Si ce gaspillage se trouve à tous les stades de la chaîne alimentaire, de la production à la consommation, en passant par la transformation, le gros du phénomène se passe dans les ménages (env. 45%)1, ceci pour de multiples raisons2. Pendant que ces aliments sont gaspillés, de même que les ressources à la base de leur production et leur achat (en moyenne, pour un ménage de quatre personne, le gaspillage alimentaire correspond à CHF 2'000.-/an), des personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et dépendent de l'aide alimentaire d'oeuvres de charité, comme par exemple les magasins Caritas. Et que dire des denrées qui parcourent des milliers de kilomètres pour arriver dans nos rayons et finir à la poubelle?

Face à ce problème éthique, social, économique et environnemental, le Conseil fédéral a intégré le gaspillage alimentaire parmi 27 mesures dans son plan d'action Economie verte, adopté en 2013. Ce plan mise sur un dialogue élargi avec tous les acteurs des divers échelons de la filière alimentaire et des organisations intéressées. Ce dialogue place les autorités dans un rôle de coordination et de soutien, lequel a débouché sur deux guides, l'un destiné à l'industrie alimentaire et au commerce de détail concernant le datage des denrées alimentaires et l'autre destiné aux producteurs et commerce de détail concernant la transmission des denrées alimentaires aux organisations d'entraide3. A ce stade, aucun objectif n'est fixé et aucune mesure contraignante n'est prévue, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays européens4.

Des initiatives citoyennes sont également nées ici et là. Ainsi, plusieurs projets ont vu le jour à Fribourg, parmi lesquels l'ouverture d'un Äss-Bar pendant l'été 2016 (vente de produits "frisch von gestern"), l'organisation de soupers populaires à la Coutellerie uniquement à base d'aliments récupérés ou encore la création de FRüTILE (vente de confitures à base de fruits invendus ou jugés difformes).

Nous saluons ces initiatives, mais elles ne peuvent suffire à régler le problème du gaspillage alimentaire. La Ville de Fribourg peut et doit également jouer un rôle primordial dans ce domaine. Malheureusement, le Programme de législature ainsi que le Rapport de gestion restent muets à ce sujet – bien que nous puissions le comprendre: l'aspect n'a forcément pas la même priorité que d'autres domaines d'activités de notre commune.

La restauration collective tenant une place importante dans une ville d'éducation comme Fribourg, une attention particulière est requise face à ces établissements; les mesures qui y sont prises ont l'avantage de toucher un large nombre de personnes qui seront sensibilisées à la thématique et pourront répercuter les bons comportements dans la vie de tous les jours. On peut légitimement demander à ce que les établissements de restauration collective (mensas, cantines, cafétérias) adoptent un mode d'exploitation durable. Cela vaut particulièrement pour les restaurants publics ou opérant sur mandat d'institutions publiques. De plus, le secteur privé doit également être incité à participer à la réflexion en vertu de la responsabilité sociétale des entreprises. Enfin, la population doit aussi être invitée à prendre conscience de cette problématique et à adopter un mode de consommation responsable.

Le présent postulat demande en premier lieu une vue d'ensemble de la situation, informant sur l'ampleur potentielle et/ou réelle du gaspillage alimentaire en ville de Fribourg. Il s'agit, entre autres, de répondre aux questions suivantes: quelles sont les principales mensas, cantines et cafétérias sur le territoire de la commune et quelles sont les mesures qui y ont déjà été mises en place. En ce qui concerne la restauration collective, le postulat propose d'établir la liste des partenaires concernés (Canton, entreprises mandataires, etc.) et un plan de communication/coordination, d'entente avec la nouvelle responsable du développement durable de la Ville, pour faire progresser la sensibilisation et l'action dans ce domaine. En troisième lieu, nous demandons au Conseil communal d'inclure dans son Rapport final l'état des lieux dans le secteur privé de la restauration (restaurants, bars, fast-foods, food-trucks, etc.), notamment en s'adressant aux association faitières du secteur et en élargissant la stratégie de coordination/communication aux acteurs privés.

En particulier, nous demandons au Conseil communal d'envisager les améliorations et de réfléchir à l'opportunité des mesures suivantes:

  • Optimiser les liens entre distributeurs ou établissements de restauration collective et organismes de partage;
  • Valoriser les produits invendus en raison de leurs "défauts" de calibrage, en particulier les produits régionaux, et éviter leur gaspillage;
  • Adopter des mesures de sensibilisation et des mesures concrètes de lutte contre le gaspillage au sein des établissements de restauration collective;
  • Mener des campagnes de sensibilisation auprès de la population (par ex. événement Deine Stadt tischt auf comme à Berne, Bâle ou Zurich);
  • Réduire le gaspillage en sensibilisant la population au recyclage de la marchandise périmée et avariée et en en améliorant les possibilités (cf. biogaz, compost, aliments pour animaux);
  • Inciter le milieu de la restauration à prévoir des mesures contre le gaspillage alimentaire, notamment via la création d'un label; et
  • Impliquer le secteur privé dans réflexion, notamment les employeurs qui offrent à leurs employés la possibilité de se restaurer sur le lieu de travail.

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1 Toutes les informations chiffrées sont disponibles sur www.foodwaste.ch. Pour les recherches en Suisse, voir également: João ALMEIDA, Food losses and food waste: a quantitative assessment for Switzerland, Basel Universität, 2011; Claudio BERETTA, Quantifying food losses and the potential for reduction in Switzerland, Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, 2012.

2 Actions dans les supermarchés, propension à acheter trop, augmentation du nombre de repas hors domicile, prix bas, distance entre le consommateur et le producteur.

3 Interpellation 15.3591, Lutte contre le gaspillage alimentaire, Avis du Conseil fédéral du 12.08.2015.

4 A titre d'exemple, la Loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage, adoptée par le Sénat français à l'unanimité. En un an, plus de 10 millions de repas ont pu être distribués aux plus démunis.

Fribourg, le 19 septembre 2017

Réponse du Conseil communal