Politique climatique: les villes romandes sont en marche et exigent un soutien à la hauteur de l'enjeu

Alors que près de trois quarts de la population suisse vit dans des villes et que 80 % de la performance économique y est générée, celles-ci sont de plus en plus touchées par les effets du réchauffement climatique : températures urbaines plus élevées, épisodes d'inondations et pression croissante sur leurs infrastructures. Aussi, pour ces raisons, les villes mènent depuis des années une politique ambitieuse en matière climatique. Il s’avère aujourd’hui que pour atteindre les objectifs climatiques acceptés par la population, il faudra un engagement accru à tous les niveaux politiques. La capacité des villes à atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés dépend aussi de la législation nationale et cantonale ainsi que du soutien financier que la Confédération accorde aux communes.

Depuis plusieurs années, les villes prennent part à la lutte contre le dérèglement climatique, affirmant leur rôle d’initiatrices, de coordinatrices et de promotrices de politiques ambitieuses. Elles élaborent des plans climatiques, développent des politiques de mobilité durable, multiplient les projets de végétalisation des espaces publics, agissent pour l’exemplarité sur l’assainissement énergétique de leurs patrimoines bâtis pour inciter les privés et sensibilisent activement la population. En tant qu’autorités proches du quotidien des habitantes et des habitants, elles ont entre leurs mains l’essentiel des politiques publiques sur lesquelles il faut agir pour infléchir positivement la tendance afin de garantir la viabilité des villes et par là même la santé de la majorité de la population suisse.

Un rôle de premier plan sous tension
La protection du climat et l’adaptation au changement climatique sont des tâches transversales, donc compliquées à réaliser. La mise en œuvre parallèle de ces deux missions publiques nécessite de ce fait une coordination renforcée, des moyens financiers et humains suffisants, et une implication active des acteurs locaux. Sur le terrain, l’écart entre les objectifs inscrits dans la stratégie climatique nationale et la réalité locale reste considérable. La densification des centres urbains est une nécessité pour éviter le mitage des territoires et des paysages qui font la beauté et l’attractivité de la Suisse, mais également pour préserver les terres nourricières et l’agriculture. Mais il faut donner les moyens aux villes d’être résilientes. Elles doivent s’occuper de populations très diverses et prendre soin des plus vulnérables, fournir des infrastructures efficaces en termes de fonction et d’énergie, tout cela en s’adaptant aux risques environnementaux globaux (réchauffement, perte de biodiversité, pandémies, migrations, etc.). Ceci dans un temps long qui n’est pas toujours en phase avec l’urgence climatique et nécessite des arbitrages complexes. A cela s’ajoute une certaine ambivalence de la part d’une partie de la population, qui demande plus d’actions pour le climat tout en exprimant parfois une résistance aux mesures. Les villes se retrouvent ainsi en porte-à-faux, entre l’exigence d’avancer et les contraintes multiples qui freinent ou limitent leur action, et leur population en assume directement les résultats.

De plus, plusieurs obstacles persistent à tous les niveaux institutionnels : manque de marges de manœuvre face à des législations nationales et cantonales trop timides face aux exigences climatiques, coûts élevés d’investissements, potentiels effets sociaux indésirables et complexité des mesures nécessitant un pilotage transversal et une volonté politique durable. Les villes, bien qu’actrices décisives, se heurtent ainsi à des limites structurelles auxquelles seule une action conjointe des différents niveaux institutionnels et des agglomérations pourra répondre efficacement.

Un appel clair à la Confédération et aux Cantons
Ainsi, après un nouvel été caniculaire dans les villes, et s’appuyant sur la position adoptée au printemps 2025 par l’Union des villes suisses (UVS), les villes demandent aujourd’hui un soutien renforcé des échelons supérieurs. Elles insistent sur la nécessité d’un financement accru afin de mettre en œuvre des projets ambitieux et nécessaires, que ce soit par exemple dans le développement de réseaux thermiques, les programmes de soutien pour l’assainissement énergétique des bâtiments ou encore la restructuration des réseaux de mobilité. Il s’agira aussi de renforcer les démarches de sensibilisation notamment sur les énergies grises (biens importés, alimentation, consommation, construction, etc.) où les villes ne peuvent à elles-seules inverser la tendance. Elles exigent également un cadre légal plus strict et contraignant, avec des normes fédérales claires dans les domaines du bâtiment, de l’approvisionnement en énergie, de l’urbanisme, de la mobilité, etc. Ceci notamment pour limiter ou interdire des chauffages à énergie fossile, accélérer l’assainissement énergétique des bâtiments ou pour limiter l’utilisation des véhicules émettant directement du CO2. Enfin, elles estiment indispensable de disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour expérimenter des solutions innovantes et installer des projets pilotes pour la réduction des gaz à effet de serre, notamment dans le domaine de la mobilité de loisirs.

La nécessité d’une collaboration renforcée
« Nos villes font beaucoup et souhaitent atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. Mais pour réussir ce virage climatique décisif, nous avons besoin d’un cadre clair, de moyens accrus et d’une véritable liberté d’innover. Nous plaidons pour le maintien de plusieurs programmes que le Conseil fédéral veut abroger. Nous avons aussi besoin d’être les interlocutrices directes de la Confédération, non pas pour contourner les Cantons ou fouler au pied le principe de subsidiarité, mais pour être parties prenantes, dès le départ, de la pose des grandes options stratégiques en matière climatique», concluent les Municipales et Municipaux en charge de la politique climatique des villes de Lausanne, Vevey, Yverdon-les-Bains, Renens, Nyon, Fribourg et Neuchâtel en écho aux recommandations formulées dans les différents rapports et prise de position de l’UVS.

En substance, la politique climatique urbaine ne peut réussir que si tous les niveaux institutionnels et les agglomérations travaillent ensemble et adoptent une approche globale, tant dans la réduction des émissions que sur les plans d’adaptation. Sans modifications des conditions-cadre, les villes peineront à atteindre les objectifs de la loi sur le climat et à rester des territoires attractifs et résilients. Il faut donc renforcer la collaboration entre la Confédération, les Cantons, les agglomérations et les villes et ainsi permettre à la Suisse d’atteindre ses objectifs climatiques et préparer ses territoires, dès aujourd’hui, aux défis de demain.