G. Grin (PLR)
Question
Le Conseil communal nous a récemment livré son bilan de la généralisation du 30 km/h. Une transformation importante, qui change en profondeur notre rapport à l’espace urbain, à la mobilité et à la cohabitation des usages.
Et à la lecture de ce bilan, plusieurs éléments me laissent… dubitatif.
Tout d’abord, ce bilan repose exclusivement sur des indicateurs techniques: mesures de bruit, vitesse moyenne, temps de parcours, fréquence des accidents. Le travail semble sérieux, rigoureux, mené avec la HEIA. Mais ce sont, au fond, des mesures de trafic.
Or, la Ville s’est dotée de compétences en marketing urbain, elle affiche une volonté participative, elle parle de proximité, d’écoute, de lien. Pourtant ici, pas la moindre démarche pour recueillir le vécu, les ressentis, les perceptions des habitants, des travailleurs, des commerçants, des visiteurs.
Aujourd’hui, lorsqu’on conçoit des services publics, on commence par comprendre les besoins des gens, leurs usages réels, leurs contraintes. C’est la base. On parle d’une approche sensible, empathique, menée avec simplicité et bon sens, au service de celles et ceux qui vivent la ville au quotidien.
Ici, aucun signal d’empathie. Rien. Pas une trace d’enquête qualitative, pas une question ouverte, pas un retour d’expérience. Et dans ce contexte, quand un membre du Conseil communal affirme qu'"il est faux de dire que les gens ne viennent plus en ville", cela sonne moins comme un apaisement que comme un couperet. Comme si tout avis contraire devenait une erreur, plutôt qu’un ressenti à entendre.
Deuxième point: le bilan est parfaitement positif. Trop parfait, peut-être. Le bruit a baissé. Les accidents ont diminué. Les bus arrivent presque à l’heure. Les terrasses sont pleines. Il ne manque que les oiseaux qui chantent.
Pas une réserve. Pas une difficulté. Pas une adaptation évoquée. Aucune remise en question. Aucun apprentissage. Aucune trace de celles et ceux pour qui ce changement n’a pas été si fluide. Est-ce encore un bilan? Ou est-ce déjà un message promotionnel?
Et enfin, concernant les transports publics: l’analyse porte uniquement sur les lignes urbaines. Pourtant, Fribourg est la capitale cantonale. De nombreuses lignes régionales convergent vers notre ville. Certaines desservent même nos quartiers. Pourquoi avoir exclu ces lignes de l’évaluation? Sont-elles jugées secondaires? Oubliées? Moins dignes d’intérêt?
J’aimerais donc poser trois questions au Conseil communal:
1. Pourquoi aucune démarche sérieuse d’écoute de la population n’a-t-elle été intégrée dans le bilan? Pensez-vous vraiment que l’on puisse transformer ainsi le cadre de vie d’une ville sans faire preuve d’un minimum d’empathie?
2. Ce bilan, sans critique ni remise en question, est-il vraiment à la hauteur d’une collectivité qui se veut innovante, participative et responsable?
3. Enfin, pourquoi l’analyse des impacts s’arrête-t-elle aux seules lignes urbaines? Est-il prévu d’évaluer aussi les lignes régionales qui, elles aussi, traversent la ville et transportent chaque jour une part importante des personnes qui y vivent ou y travaillent?
Réponse du Conseil communal
Je réponds à la première question en lien avec la démarche d’écoute de la population. Je peux dire que cette allégation n’est pas tout à fait juste dans la mesure où le Conseil communal a fait effectuer par l’institut GFS à Berne un sondage dans lequel il y avait les mêmes questions que dans de nombreuses villes suisses. C’était la deuxième fois que la Ville de Fribourg participait à ce sondage. 5’000 personnes en Ville de Fribourg ont été invitées à répondre à ce sondage. Donc, on peut dire qu’un sondage, c’est justement une mesure empathique de demander l’avis de la population sur plein de questions et notamment le 30 km/h. Sur ces 5’000 personnes invitées, 1’281 personnes ont répondu.
Et à la question notamment liée aux 30 km/h, on peut dire que 70% des résidents de la Ville de Fribourg ont jugé cette mesure nécessaire et appropriée. Donc voilà pour ce qui est du subjectif ou de l’avis de la population.
Oui, le bilan était très technique, vous l’avez d’ailleurs très bien relevé dans votre intervention, au nom du Conseil communal je vous en remercie. Pourquoi il était technique? Tout simplement parce que la ville de Fribourg est une ville, on peut le dire, pionnière en Suisse en termes d’abaissement de vitesse liés au respect des valeurs limites de l’Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB), avec 60% de l’entier du réseau routier qui est pacifié.
Des débats au Parlement fédéral, des questionnements au niveau du Conseil fédéral et dans certaines associations, au club d’automobilistes, agitent cette thématique au niveau national et il était important pour la Ville de passer des hypothèses à leur validation. Finalement, avant l’introduction du 30 km/h, au nom du Conseil communal, j’ai défendu des hypothèses techniques proposées par des spécialistes en trafic et c’était important de pouvoir les affirmer ou les infirmer, et c’est ce que le Conseil communal a fait. On peut dire qu’aujourd’hui, ces éléments, qui quantifient le respect aux normes de bruit liées aux accidents, à l’accidentologie, à la vitesse commerciale des transports publics et à la vitesse du TIME, sont à disposition d’autres villes pour consolider ou non leur dossier ou leur volonté politique. Je peux vous dire qu’ils étaient attendus avec impatience par les médias nationaux et locaux, bien entendu.
Pour ce qui est de l’analyse sur les impacts aux seules lignes urbaines, le bilan présente uniquement les lignes sur lesquelles le 30 km/h a eu un impact négatif sous l’angle des temps de parcours. Car, en effet, les lignes urbaines parcourent la majeure partie de leurs trajets dans l'agglomération, et notamment en ville de Fribourg où ce 30 km/h a été instauré, à l’inverse du trafic régional voyageur où la majeure partie des trajets s’effectuent sur des dizaines de kilomètres en dehors de la ville, là où le 30 km/h n’est pas ou peu présent. Pour le trafic régional voyageur, les tronçons impactés par le 30 km/h sont négligeables, ce qui n’a aucune influence sur les temps de parcours des bus. Si nous avions ajouté le trafic régional voyageur dans la présentation, les résultats auraient été encore plus positifs. Je peux imaginer que le Conseil communal aurait subi des critiques pour cette manière de procéder et je pense qu’il a fait plutôt juste.
Je me permets quand même d’ajouter un élément en lien avec la problématique que vous avez citée, l’accessibilité à la ville qui est de manière récurrente assez citée par les commerçants. A ce sujet, d’une part, le Conseil communal n’a jamais été saisi par les associations de commerçants qui n’ont jamais scientifiquement pu démontrer leurs allégations. Je me permets également de vous renvoyer à un excellent article qui est paru dans La Liberté, écrit par Mme Lise-Marie Piller, le 25 janvier 2024.
C’était un article qui parlait du commerce et notamment des difficultés importantes des centres commerciaux en périphérie de ville. Ce qui est assez intéressant dans cet article, c’est que des spécialistes de l’économie ont été interviewés. Oui, c’est vrai, il y a eu un âge d’or des centres commerciaux en périphérie qui ont siphonné le commerce local dans les villes. Aujourd’hui, les centres commerciaux en périphérie, cet âge d’or est révolu et on peut lire pourquoi il y a ce phénomène. Je vous lis un petit passage. Il s’agit des informations confirmées par Monsieur Marcel Stoffel, directeur de Swiss Council of Shopping Places, qui se définit sur son site internet comme la plus grande communauté suisse pour le secteur du commerce de détail, de l’immobilier commercial et des centres commerciaux. "De nombreux centres commerciaux perdent non seulement leur chiffre d’affaires et leur fréquentation, mais aussi leur attractivité et leur pertinence, indique-t-il. Selon lui, ce phénomène s’explique par une forte saturation du marché, une trop grande densité des surfaces de vente, la concurrence entre les fournisseurs ou encore le tourisme d’achat lié au franc fort et les achats en ligne". Je vous laisserai lire l’article puisque je vous en ai donné les références et je me permets de terminer par cet élément.